Je me nomme Émilie Bordeleau, fille de Caleb Bordeleau et de Célina Dessureau, deuxième née d’une famille de dix enfants. Nul n’aurait pu prédire toute la notoriété qui entourerait un jour mon nom et pourtant, des millions de lecteurs, puis de téléspectateurs se souviennent avec nostalgie d’une série-culte portant sur mon histoire, écrite par ma petite-fille, Arlette Cousture. Mais qui suis-je vraiment?
Je suis née en 1879 sur une belle terre à la côte Saint-Paul, pas très loin d’ici. Comme la plupart des filles de cultivateur, j’étais destinée à quitter rapidement les rangs d’école pour me marier. C’était mal me connaître! Malgré le refus de mon père, je suis devenue institutrice à Sainte-Thècle à l’âge d’à peine 15 ans, et ce, sans diplôme en poches. On ne peut pas dire que ça a été facile! Certains élèves, à peine plus jeunes que moi, aimaient tester mon autorité. À force de détermination, j’ai toutefois su m’attirer le respect de mon petit groupe de l’arrondissement no 5.
Au début du siècle, je me suis trouvée engagée à l’école de rang Le Bourdais, à Saint-Tite. Je ne me doutais alors pas, que ma vie allait en être chamboulée.
D’une beauté sans pareille, Ovila Pronovost, mon mystérieux élève, allait devenir l’amour de ma vie. Mon bellâtre n’a pas mis de temps à demander la main de sa «maitresse d’école», comme il m’appelait, et nous nous sommes mariés à l’automne 1901. Nous avons eu 10 enfants ensemble, le plus grand rôle de ma vie. Au fil des naissances, des problèmes sont toutefois apparus entre Ovila et moi, de plus en plus accablés par les responsabilités. Après des années troubles, il a finalement disparu en Abitibi, pour ne plus jamais revenir. Je me suis retrouvée seule pour subvenir aux besoins des enfants, à l’âge de 38 ans. Ça jasait dans les environs!
J’ai retroussé mes manches et je suis retournée enseigner. Certains de mes enfants ont dû porter le statut d’orphelin pour accéder aux études. J’avais honte, mais que vouliez-vous que je fasse?
On me disait secrète, forte et avant-gardiste. J’étais surtout portée par la passion de l’instruction et par l’amour, envers mes enfants et Ovila. J’espère vous avoir donné le goût de découvrir ou redécouvrir mon incroyable histoire.