Il ne fait aucun doute que c’est grâce aux Belles Histoires des Pays d’en haut, l’œuvre de Claude-Henri Grignon, que la figure haute en couleur du curé Labelle (1833-1891) est aujourd’hui connue de la majorité des Québécois. Pour les mêmes raisons, bon nombre d’entre eux associent spontanément Antoine Labelle à Sainte-Adèle, où se déroule l’action du feuilleton. Or, c’est à Saint-Faustin et à Saint-Jovite (aujourd’hui Mont-Tremblant) que celui qu’on surnommait « le roi du Nord » a posé au début des années 1870 les premiers jalons de son œuvre de colonisation. Il fallait en effet traverser le territoire de ces cantons au nord-ouest de Sainte-Agathe-des-Monts pour accéder à la terre promise sur laquelle le curé Labelle fondait tous ses espoirs : la vallée de la Rouge.
Plusieurs documents d’archives font état des expéditions du curé Labelle dans les cantons Wolfe (Saint-Faustin) et De Salaberry (Saint-Jovite). Pendant ses premiers voyages, après avoir franchi le terrible chemin de la Repousse, il campe à la belle étoile avec ses compagnons ou dans le camp de bois rond d’un colon, explore le canton en suivant la carte d’arpentage, repère les chutes sur les cours d’eau où on pourra un jour aménager une scierie ou un moulin à farine. Il observe le relief, la nature des sols, marque le futur emplacement de l’église, autour de laquelle naîtra un jour le village. Puis il repart, toujours plus au nord, marchant à travers bois ou canotant sur les rivières à la recherche d’un nouveau lieu de peuplement, de cantons à faire arpenter, de chemins à construire, de colons à encourager.
En près de vingt ans, Antoine Labelle aura ainsi effectué 45 voyages dans les cantons du Nord, contribuant à créer dans les vallées de la Diable, de la Rouge, de la Lièvre et de la Gatineau une vingtaine de nouvelles paroisses.
© Photo : Évêché de Saint-Jérôme.