Nous sommes au cœur de Saint-Charles-de-Bourget.
Autour de nous, l’histoire s’inscrit dans le paysage. L’église Saint-Charles-Borromée, l’ancien presbytère, la salle publique… Tous ces bâtiments forment un ensemble unique : la Place des Ormes, site patrimonial cité depuis 2012, mais enraciné dans la mémoire collective depuis bien plus longtemps.
Entre 1915 et 1920, sur cette pointe dominant le Saguenay, on aménage cet espace sacré. C’est un lieu de rassemblement, un repère spirituel, un symbole d’ancrage pour une communauté marquée par les déplacements… et par la résilience.
Pour bien comprendre l’histoire de cette église, il faut remonter avant même l’arpentage du territoire, en 1864. À cette époque, les premiers colons défrichent la forêt en bordure du Saguenay. Pour les soutenir, on crée une mission religieuse rattachée à Sainte-Anne-de-Chicoutimi. Jusqu’en 1885, c’est un curé de passage qui dessert la mission. La messe? Elle est célébrée dans le camp en bois de Lucien Bouchard. Ce n’est qu’en 1881 qu’on construit une première chapelle : trente pieds par vingt, petite, rustique, mais essentielle. Le bois est fourni par la terre du curé-colonisateur Charles-Stanislas Richard, et la charpente confiée à Athanase Lapointe, de Chicoutimi.
Cette humble chapelle tiendra bon jusqu’en 1900. Cette année-là, la population bâtit une véritable église en bois, selon les plans de l’architecte Herménégilde Morin. Elle coûte 4 000 $ — une somme importante pour une petite communauté — mais elle marque une affirmation, un enracinement.
Puis vient la menace de l’eau. Au début des années 1910, la Quebec Development Company projette un barrage à la Chute-à-Caron. Le projet prévoit l’inondation du village actuel. En compensation, l’entreprise s’engage à reconstruire une église et un presbytère sur un promontoire, en sécurité.
La Fabrique accepte malgré les contestations des paroissiens. Et c’est ainsi qu’entre 1915 et 1916 naît la troisième église de Saint-Charles-de-Bourget, celle que nous voyons aujourd’hui. De style néoclassique, elle est signée par l’architecte Joseph-Pierre Ouellet. La construction est confiée à Armand Lévesque, de Roberval, tandis que la charpente est montée par Ulysse Tremblay, de Saint-Félicien.
Ici, sur cette pointe, face au fleuve intérieur qu’est le Saguenay, l’histoire d’un peuple déplacé trouve enfin son ancrage.